A la folle jeunesse, d'Ann SCOTT
« C’est le dernier jour, mais je ne le sais pas encore. Exactement comme au moment où a été pris ce Polaroïd. Je dois avoir dix ans, mes yeux sont plissés de fureur parce qu’on me force à me tenir face au soleil ou parce que je n’existe qu’en photo ; le tee-shirt bleu ciel des Dents de la mer ne me rappelle rien, le banc de sable qu’on devine flou derrière non plus, et du jour où cette photo a été prise, je ne sais que ce qu’on m’en a dit : qu’après l’avoir éventée pour la faire sécher, au lieu de l’empocher comme n’importe quel parent, ma mère me l’a tendue comme si elle ne voyait vraiment pas quoi en faire. Maintenant je la regarde sans me reconnaître tant je n’ai aucun souvenir d’avoir été aussi déterminée, aussi certaine, à cet âge, de ce que j’étais et de ce que je refuserais de devenir, et je finis par penser que si je dois quelque chose à quelqu’un, c’est à cette gamine énervée qui ne fixait pas sa mère mais un point déjà bien au-delà. »
Mon avis : Je remercie mon amie Sylvie pour cette découverte marquante. On se sent très rapidement emporté par cette histoire qui n'en est pas une, une auto-fiction, comme l'auteur la présente elle-même, si bien qu'on est toujours dans l'hésitation, où est la part de réalité ? Où est celle de la fiction ? Mais très vite, cette question devient secondaire et on plonge littéralement dans cette course folle après la vie. L'héroïne est un paradoxe, qu'on prend vite en sympathie, bien que peu de choses y invitent. J'ai été totalement cueillie par ce souffle, cette narration qui vous colle des claques, comme un blizzard en plein hiver. C'est parfois tendre, drôle, souvent ironique. Et la scène finale de l'invitation chez les parents laissent planer quelques doutes....
Un petit passage d'actualité : p 49 : " Les gens dont la vie a un sens savent reconnaître que leur réveillon s'est résumé à relire une soeur Brontë avec une soupe avant d'éteindre à minuit dix."